« Vive les mauvaises herbes et la nature sauvage. » Gerard Manley Hopkins
Dans notre société urbanisée à outrance, on s’acharne à éliminer les vraies richesses que sont le silence, le temps, l’espace. Des siècles de civilisation nous ont éloigné de la nature et fait perdre quelque chose d’essentiel, cette saveur primordiale de la vie, ces moments d’extase absolue qu’on n’oublie jamais. Les espaces naturels permettent à nos esprits fatigués et sur-civilisés de se ressourcer, de renaître. Protégés par la distance de la marée de mercantilisme, ils nous ramènent à nos racines et nous aident à échapper à l’intensité de la vie moderne. Loin des voyages organisés et du merchandising généralisé, on redécouvre la gratuité du rapport entre les hommes, de l’amour, de la poésie, de la pensée, de tout ce que peut nous apporter et nous apprendre la nature.
S’attarder sur un sommet de ce pays intensément réel et contempler le soleil se coucher est une expérience inoubliable qui aide à mettre la vie en perspective. La rareté de la vie humaine et animale permet de se laisser envahir par le silence, d’ouvrir ses sens et son esprit, de respirer. Dans ces espaces ouverts, on se sent discret dans l’univers, avec une sensation accrue de ce qu’est un être humain. Avec l’isolement on se retrouve et on donne à sa vie la densité qui va permettre l’échange.
Le voyage à pied marque durablement, intimement. Le calme et la simplicité se fraient un passage dans nos pensées. L’intérieur rejoint l’extérieur. On ne se soucie plus de se hâter et de gagner du temps. L’étirement du temps devient un art de vivre. On peut marcher entre les pierres brutes et les fleurs sauvages, en respirant l’odeur du sol et des plantes. Se reposer près d’un ruisseau non dompté, en écoutant le chant du merle. Se délecter du bruit des vagues tôt le matin sur les plages de galets. Regarder les nuages filer dans le ciel en laissant apprécier les portions de ciel bleu. Les lieux sauvages offrent peut-être la vraie liberté, une forme d’immortalité simple et concrètement vécue.
Il nous faut absolument conserver et respecter ces espaces premiers, ces paysages du vide, afin d’y réapprendre une esthétique de vie. Même pour ceux qui les regardent de la route, ils représentent une géographie d’espoir.
Ce texte est extrait de mon livre Scotland panorama.