Archives mensuelles : mai 2015

Une vie de créateur ne dure que 10 ans

Mai
27

14013    Musée des Beaux-Arts, Rouen (Seine-Maritime), MaiUne image « droite » de 200° de champs horizontal… pour servir la mise en scène tentant d’illustrer mon émotion ressentie dans ce musée.

J’empreinte cette phrase à Hayao Miyazaki, dans son film testament ‘Le vent se lève’ de 2013.
La flamme artistique dans toute carrière créative nécessite d’être nourrie et entretenue. Sous peine de connaître un pic éphémère.

Le temps de l’argentique
En 1998, je débutais, peu de sites de photographes sur la toile, mes premières images d’Ecosse m’amenaient à faire des passages radio, des expositions dans des lieux parisiens en vue. Au départ, pour me différencier, le choix d’un appareil grand format et la vision panoramique.
Pendant onze ans, avec détermination et des efforts considérables, j’ai appris à dénicher les lumières rares, composer en ‘cinémascope’, réunir les meilleurs conditions, traiter et imprimer mes images. Pour tenter de transmettre ma vision de ces moments d’intimité avec les paysages.

La nouvelle donne d’Internet
Fin 2008, après un baroud d’honneur sur les routes de France, je tourne la page de l’argentique. Un constat s’impose. En se démocratisant la photographie a rencontré un large public de passionnés. Internet s’est développé, exposant leur travail abondant. Les paysages connus semblent alors avoir tous été photographiés d’innombrables fois. Un monde très compétitif, saturé d’images*1, où il devient difficile de produire un contenu original et avoir un style reconnaissable.

Repousser les limites en numérique
En 2009, je passe au numérique afin de sortir de ma zone de confort, expérimenter face à des situations jusque là non maîtrisables et frustrantes. Je ressens ce besoin de me booster. Les limitations techniques*2 ne devraient pas être en mesure d’entraver la vision artistique. Les avancées technologiques ont révolutionné notre approche : il n’y a plus d’excuses pour les blancs cramés, les noirs trop sombres, le bruit de l’image ou le manque de résolution ou de netteté. Dans le champ infini des possibles, les ultra grand angles « plans » et les super téléobjectifs.

Vers la libération
2014, à mi-parcours de ma deuxième décennie de panoramiste, « l’immondialisation » croissante me fait m’interroger quant à mes décisions artistiques. Je ressens la lassitude grandissante du public pour les images pré-formatées toujours plus nombreuses dont il est assailli. L’humanité est sous le charme de l’innovation comprise comme une fin en soi*3. Toute mon énergie créative doit oeuvrer à contribuer à la beauté originelle du monde. Mais en transcendant les limites d’espace et de temps qui bornent la condition humaine. L’avenir de la photographie passe pour moi par les retrouvailles de la science et de la philosophie pour permettre d’explorer le monde au-delà de l’évidence et présenter son interprétation surréaliste*4.

*1 cf. mon billet sur L’inspiration
*2 billet à venir sur Photos Hi-Tech
*3 Il y a une tentation avec la technologie numérique à sous-estimer la valeur de la discipline et l’exécution rigoureuse. Face à sa complexité on recourt aux bricolages et aux automatisations… et on finit par oublier qu’elle doit servir la créativité. « L’art est une émotion supplémentaire qui vient s’ajouter à une technique habile. » (Charlie Chaplin)
*4 billet à venir sur Des paysages fusionnés

De l’utilité des viseurs

Mai
12

viseurs

La photographie transpose une scène en 3 dimensions en une reproduction en 2 dimensions. En paysage, il est essentiel que l’impression de profondeur (relief) et la répartition des sujets dans l’espace soient conservées, voire même accentuées. L’impression d’espace d’une image découle du nombre de plans la composant. Le choix d’un point de vue élevé augmente la profondeur (le champ vertical), au contraire un point de vue bas la réduit. Un horizon haut placé dans le cadre met en évidence les formations du terrain, un horizon bas permet de cacher un détail gênant.

Quand je trouve un sujet valable, je l’explore plus avant à l’aide d’un viseur détachable. Il me permet d’évaluer la force respective de chaque image. Un coup d’oeil me suffit pour juger si la composition est suffisamment puissante. Cette recherche du point de vue optimal rendant le meilleur effet de perspective s’effectue ainsi en étant allégé.

En numérique par assemblage, j’utilise actuellement deux viseurs zoom, un 15-35 mm (Voigtlander) et un 35-200mm (Tewe), pour lesquels j’ai fabriqué un masque panoramique au ratio 3:1. Ils suffisent à mes productions de panos plans obtenus par ‘stitching’ de 3-4 photos, le boîtier en position horizontale. Lorsque je prévisualise un cadrage au 17,5 mm avec mon viseur, je sais ainsi qu’il me faut assembler des images au 35 mm. Si le cadrage idéal s’observe au 100 mm alors je saisis l’objectif 70-200 et le positionne au 200 mm. Une autre méthode consiste à activer le live-view de l’appareil avec le quadrillage et ne regarder que les deux bandes du milieu, le zoom en position 100 mm.

Pour les images destinées à être assemblées dans d’autres projections (panini, cylindrique…), le viseur ne me renseigne que sur la hauteur cadrée. J’évalue par l’expérience ce que je dois rajouter de part et d’autres du champ horizontal délimité par celui-ci. Et je joue des déformations géométriques typiques engendrées par la méthode d’assemblage choisie. Une application sur smartphone serait parfois la bienvenue…

Le cadrage doit être précis si l’on souhaite faire une image créative et non une simple reproduction documentaire. Et c’est d’autant plus essentiel en panoramique extra large par assemblage. Les adeptes du ‘stitching’ n’utilisent pas de viseur et ne connaissent pas précisément ce qu’ils compte garder. L’image finale apparaît ainsi inaboutie, amoindrissant les autres efforts ayant pu être portés par ailleurs (imagination dans le choix du point de vue, attente d’une lumière flatteuse, composition soignée).

Un cadrage permet d’isoler le sujet, cette portion de réalité, de son contexte, concentre notre attention sur ce que le regard du photographe juge digne d’intérêt (« regardez-moi »). Les éléments, au départ sans rapport ou sans importance, sont mis en relation entre eux. Le viseur panoramique aide grandement à développer un sens du cadrage adapté à ce format allongé. Il s’utilise de pair avec la vision qui crée une photo avant même de toucher un appareil… et un viseur 😉

Liens :
http://www.luminous-landscape.com/reviews/lenses/wa-tri-elmar.shtml
Viseur universel Leica grand-angulaire M : 16/18/21/24/28mm
Viseur Voiglander 15-35 mm
La Hoodman Loupe