Clair de lune sur mon île intérieure. Le numérique permet de figer des sujets mobiles dans la semi obscurité. Avec son verre dépoli (live-view) on prévisualise clairement son cadrage même quand la lumière est insuffisante.
Les outils servent aussi à libérer notre vision, créer des images profondément évocatrices, leur donner une réelle qualité éthérée, dévoiler un pan de l’invisible.
Les processus décrits ci-dessous nécessitent de prendre le contrôle du fil du temps. On condense un laps de temps sur une seule image qui n’est pas une réalité perceptible. Et l’on peut participer activement au processus de prise de vue, en sélectionnant les moments forts de ce moment, en ajoutant de la lumière…
Du flou en grand angle
Un grand angle à très large ouverture possède une profondeur de champ très restreinte. Il en existe une poignée fabriquée spécifiquement pour la NASA afin de capturer la face cachée de la lune. Stanley Kubrick en a utilisé dans Barry Lyndon*1 pour filmer des scènes éclairées seulement à la lueur des bougies. Le sujet se retrouve détaché de son environnement.
Heureusement, il existe la méthode Brenizer pour reproduire un tel effet sans se ruiner. On utilise un téléobjectif grand ouvert pour minimiser la zone de netteté et on prend autant d’images que nécessaire pour couvrir l’étendue visuelle.
Compresser le temps (en journée)
Galen Rowell cherchait à créer des images dynamiques, et quelle meilleure façon de stimuler notre imaginaire que de célébrer le « moment » sur l’ « instantané » et permettre de flouter des éléments mobiles dans une scène. Les filtres neutres*2 ralentissent l’ensemble du processus de fabrication. Ils désencombrent visuellement et permettent de s’imprégner davantage de notre environnement en attendant l’apparition de l’image capturée sur l’écran LCD. Cette anticipation croissante fait durer le moment.
Accumuler la lumière (la nuit)
Un capteur numérique permet de saisir le ciel nocturne*3 et sa « lumière rare ». Dans la journée, il est difficile de voir au-delà de la beauté superficielle d’un paysage. La nuit, il révèle sa force dans une sorte d’atmosphère surréaliste que nous ne pouvons percevoir avec nos propres sens. S’agglomère sur le capteur, figé en une seule image, tous ce qui a transpiré pendant l’exposition : le mouvement des nuages ou des personnes, les variations d’éclairage…
Peindre avec la lumière
En plein jour le monde réel peu présenter des imperfections rédhibitoires. Au crépuscule, la technique du Light painting aide à reprendre le contrôle de l’image. Muni d’une lampe torche on révèle par la lumière des éléments du paysage, on laisse dans l’ombre les parties indésirables, on attire l’attention sur un détail, on change l’ambiance d’une scène en utilisant une couleur… tel que le ferait un peintre sur sa toile. On suggère une atmosphère mystique. Le banal se transforme en quelque chose de plus idyllique.
Dans toutes ces approches l’instant laisse la place au continuum espace-temps. On ralentit, on interroge puissamment notre rapport au cosmos et on tente de saisir un certain climat, un sentiment, une mélancolie, un souvenir… tous ses frissons qui rendent notre condition humaine si fascinante.
*1 Carl Zeiss Planar 50 mm f/0,7
*2 Voir mon billet Expositions longues avec filtre gris neutre
*3 billet à venir sur La photo nocturne
Bonjour Hervé
Je vous remercie de partager vos réflexions et votre démarche photographique. J’apprécie beaucoup.
Votre travail est remarquable.
Moi-même photographe, je ne suis pas à l’aise avec les mots.
La photo panoramique m’a réconcillée avec les paysages. Je commence à réaliser des paysages qui retranscrivent ce que je perçois, ressens et surtout envie de partager.
Si vous faites une exposition à Paris ou dans la région, je serais ravie de la découvrir et d’avoir l’opportunité d’échanger avec vous.
Bien à vous
Anne Bruel
Merci pour ce ressenti qui donne sens à mon blog.
Je pense exposer prochainement dans une galerie parisienne. L’occasion de s’y croiser.
Panor’Amicalemnt