Landscape : paysage naturel

Sep
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14882 Confluent de la Dordogne et de la Sumène, belvédère de Gratte-Bruyère - Sérandon (Corrèze), MaiRencontre de la Sumène et de la Dordogne, belvédère de Gratte-Bruyère (Corrèze)

Paysage vs landscape
Avant le XVIIIe siècle, les espaces sauvages étaient considérés comme laids et à proscrire. Les montagnes, appelés aussi les « monts affreux », étaient le reflet d’un monde austère et effrayant. Par opposition aux pays « sages » façonnés par l’homme, concept visuel occidental1 inventé à la Renaissance.
Les photographes paysagistes américains considèrent au contraire comme « paysage » les espaces naturels vierges foulés par les premiers colons. Le terme anglais de landscape apporte dans l’esprit américain une notion d’espace, de démesure faisant référence à l’idée de nature à l’état brut.

L’éloignement de la nature
Après des millions d’années à tisser des liens étroits avec notre environnement, nous sommes la première génération d’humains totalement détachés du monde naturel, sans ressentir de nécessité d’y être reliés. La ville est devenue notre nouvel écosystème, artificiel, où l’on a éliminé une à une nos connexions ancestrales et transcendantales avec la nature. Laissant un vide béant qu’on a tenté de remplir avec des biens artificiels, l’argent, la carrière, le succès, les centre commerciaux et la technologie… toute chose qui nous tient occupé, aliéné, coupé de la nature et de la possibilité de se reconnecter physiquement, moralement, spirituellement à la vie…

Vers un retour timide
La connotation positive de la nature sauvage est un phénomène récent (qui n’est pas partagé par tout le monde). Indomptée, elle est encore souvent ressentie comme une menace, une entrave, ou au mieux, comme quelque chose de morose2 et inutile. Seule une fraction de notre société qui s’est éloignée de cette nature et qui ne s’y sent plus chez elle éprouve une certaine nostalgie du paradis perdu. Pour certains humains apprivoisés, elle est un antidote au déracinement, un retour aux sources, une tentative de renouer un contact, une question de survie3.

Le besoin de beauté
A notre époque où le stress et les tensions font tant de dégâts… dans nos vies étriquées et oppressées dans des boites4… nous cherchons l’évasion dans les vastes solitudes des pays dans lesquels notre mode de vie n’a pas encore été exporté. Besoin vital de se ressourcer dans la beauté préservée, la tranquillité de la nature. Cette beauté qui procure des émotions, qui fait du bien au plus profond de l’être. « Mais au lieu d’y voir une occasion d’approfondir leur sens de la vie, certains s’empressent de la remplir de bruit, de jouets et de « culture » » pour citer Kenneth White. Ils consomment et épuisent l’espace, tout en augmentant le vide en eux…

Renouer près de chez soi
Le monde dont on rêve est ici, dans nos paysages que l’on l’ignore et que l’on détruit pour des enjeux mercantiles dictés par nos modes de vie non durables. Comme le dit si bien le photographe Bernard Bischoff5 : « La nature éveille en nous ce besoin d’humilité et de recul face aux choses de la vie. Une aspiration à retrouver dans sa réalité quotidienne un peu de sérénité et du bonheur de vivre que nous procure une simple balade champêtre ou une randonnée plus sportive à l’assaut des sentiers. » La nature préservée apporte beaucoup de quiétude, de paix intérieure, de sérénité. Vivre en harmonie avec la nature contribue au bonheur et à la qualité des relations humaines.

1 Le paysage existe-t-il dans les pays du Sud ?
2 Pour l’esprit terne, toute la nature est terne. Pour l’esprit illuminé, le monde entier flambe et rayonne. (Ralph Waldo Emerson)
3 Se fondre dans la nature, et célébrer la vie…
4 Jusqu’à l’université nous sommes enfermés dans des “bahuts”; puis nous travaillons tous et vivons dans des “boîtes”; même pour s’amuser, les jeunes vont en “boîtes” dans leur “caisse”; enfin, à notre mort on nous met dans une petite boîte. (Pierre Rabhi)
5 bernardbischoff.fr