« L’image prise sur le terrain, bien que nécessitant de solides connaissances techniques, est simplement la toile de fond à partir de laquelle je travaille à ma transformation magique. »
(Ansel Adams)
La lumière sculpte l’oasis bien plus que les éléments qui la composent.
L’honnêteté
L’art photographique entretient une relation unique avec la réalité elle-même. Les paysages que vous voyez dans mes images existent vraiment. Publiées et vendues, elles vont être vues par un public qui pourrait se rendre sur les lieux photographiés. Quelle stupeur s’ils ne retrouvaient pas mes compositions ! Mes images brutes sont bien sûr optimisées afin d’en tirer le maximum mais aucun post-traitement lourd ne peut rattraper une mauvaise composition ou une image floue, créer une belle lumière ou modifier un ciel de mi-journée en un coucher de soleil. Il faut passer du temps sur le terrain, se perfectionner, échouer maintes fois et persévérer jusqu’à ce qu’un moment rare se présente et que je parvienne à le capter.
Déjà vu
De nos jours, que de compositions semblables, que de photographes empruntant les mêmes styles artistiques. Pour ne pas copier, il faut donc tenter d’autres chemins, ce que nous permettent les nouveaux outils numériques.
Limites de l’équipement
La plus grande limitation du film était de ne pas permettre de photographier dans n’importe quelle condition. Pour les lieux très contrastés comme un canyon ou une forêt, il fallait autrefois un temps couvert. En numérique, on travaille à surmonter ces limitations techniques afin de délivrer les détails que l’œil humain peut voir et donc ainsi mieux servir la réalité du sujet. Que certaines images récentes ne ressemblent pas à ce que l’on obtenait à partir d’un film, s’explique par le fait qu’elles captent plus fidèlement la « réalité ».
Version argentique 2007Version numérique 2014
Impact sur la vision et sa captation
Beaucoup de photos étaient inenvisageables auparavant. Par leurs possibilités, limitées uniquement par l’imagination du photographe, les outils numériques façonnent la prévisualisation des images. Pour reproduire le plus fidèlement la scène assemblée dans sa tête, il faut identifier clairement les défis à surmonter puis ramener toute la matière qui va permettre de la reconstituer. Ce processus sur le terrain est souvent plus difficile, plus complexe et plus créatif qu’il ne l’était en argentique.
Le post-traitement numérique
Désormais on peut capter de forts contrastes, une lumière directe de contre-jour voire positionner le soleil au centre du cadre, ceci grâce à de multiples expositions (HDR manuel). Des mises au point décalées permettent d’étendre la zone de netteté (de 10 cm à l’infini) comme le fait le balayage naturel du regard. Une exposition capte le « bon » mouvement de l’eau, une autre fige les fleurs battues par le vent…
Il faut penser in situ à tous ces clichés, qui une fois mélangés, reconstitueront notre regard d’artiste.
Vers une démarche picturale
Une bonne composition dirige l’œil d’un élément intéressant au suivant. Les images au grand angle panoramique sont très complexes car ils englobent souvent quatre ou cinq sujets à valoriser… et autant de distractions. En cela une image uniformément lumineuse est généralement un désavantage car seules les lignes de force (diagonales, courbes, verticales…) guident le regard. Ces dernières peuvent s’avérer insuffisantes pour créer ce flux visuel. L’obscurité, au contraire, est un élément de simplification. Elle estompe ce qui est secondaire et conduit l’œil à travers la lumière… J’essaie d’y remédier en post-traitement, par le choix des zones d’ombres, et la mise en lumière des points clefs. Ce qui permet de restituer également un peu plus de la profondeur en trois dimensions que mes yeux ont perçu sur place.
En guise de conclusion
Les capacités qui définissent les grands photographes sont d’abord et avant tout la façon de saisir l’instant et se l’approprier, de, souvent, réagir rapidement et précisément à des situations qui évoluent vite. En tenant compte du travail qui suivra en chambre noire numérique.
Le débat quant à la « manipulation » de la capture initiale est en train de disparaître. Ceux qui refusent d’évoluer dans leur façon d’appréhender cette question deviennent eux-mêmes obsolètes. Le post-traitement numérique est promis à un bel avenir et fait partie intégrante de la création artistique. La technologie doit être vu comme un moyen et non une fin. Associé à notre vision personnelle, elle permet de créer des photographies bigarrées, « intemporelles et visuellement saisissantes », comme les définissait Ansel Adams.